Communs Ruraux

Communs Ruraux

 

 

Les origines des communs fonciers ruraux

 (présentation tirée du livre de Gaël Giraud :  « Composer un monde en commun. Une théologie politique de l’Anthropocène », 2022, p. 352-364).


Héritées de traditions « barbares », puis de l’Empire romain, la pratique des « propriétés simultanées » reposait sur le refus de l’idée d’une propriété individuelle et exclusive conçue comme ius utendi (droit d’user) et jus abutendi (droit d’abuser). Au contraire, il pouvait exister sur un même bien une constellation de prérogatives et de droits divers que chaque membre d’une même communauté était susceptible d’exercer en raison de son statut particulier sans nuire, du moins en théorie, aux prérogatives des autres membres. 

Les droits sur des « communaux » (droit des « vaines pâtures », « droit de parcours ») permettaient aux paysans en situation de précarité d’avoir du bétail sans pour autant posséder de terre. Les pratiques de l’affouage pour le ramassage du bois pour le chauffage, du marronnage pour la construction et du glanage pour l’utilisation privée allaient dans le même sens.

En Angleterre, à côté de la Magna Carta de 1215, la Carta de foresta de 1225 (Charte de la forêt) garantissait l’accès aux common goods à chaque sujet de Sa Majesté qui ne possédait pas de richesse ou de propriété privée. Elle offrait donc à la majorité de la population l’accès libre à la forêt et l’usage des biens communs contigus : le bois, les fruits, l’eau, le gibier, etc. 

En supprimant la législation interdisant la pratique des enclosures au nom des libertés anglaises garanties par la Magna Carta, la Glorious Revolution anglaise ne fut nullement le triomphe des paysans pauvres et des commoners, mais celui de « clans » fort anciens, les nobles propriétaires terriens, et d’une nouvelle « tribu », la bourgeoisie citadine. 

L’enjeu des lumières anglaises était de consacrer le caractère « absolu » de la propriété privée, en vue de contrecarrer et de limiter le pouvoir absolu du monarque. « Là où le publicum avait instrumentalisé les communs pour limiter le pouvoir du tribal, ce dernier utiliserait le privé pour contrecarrer le schème public » explique Gaël Giraud dans « Composer un monde en commun. Une théologie politique de l’Anthropocène » (p.356).

De même en France, au XVIIIème siècle, les agronomes et les physiocrates ont joué un rôle important dans le renoncement de la monarchie française à protéger les communs ruraux face aux prétentions des seigneurs, qui aboutit à la consécration d’une conception subjective, individualiste et absolue de la propriété privée dans le code civil (article 544).

Pour Gaël Giraud, « le succès de cette guerre pluriséculaire contre les communs reste (…) inintelligible si l’on n’éclaire pas le rôle joué par la naissance, au xviiie siècle, de l’économie politique comme corpus idéologique destiné à donner une légitimité au projet politique de privatisation des ressources de la Terre. C’est du croisement de cette économie politique et du droit civiliste classique qu’a pu apparaître, au sein des Occidents, l’idée qu’il serait profitable à tous de privatiser les communs. » (p.362)


 De nos jours, les enjeux du retour des communs fonciers ruraux.

 

En dépit de leur effacement aux XIXème siècle, l’existence des communs fonciers ruraux est sécurisée par l’article 542 du code civil selon lequel : « Les biens communaux sont ceux à la propriété ou au produit desquels les habitants d’une ou plusieurs communes ont un droit acquis. ». A cet égard, au niveau territorial, les débats locaux peuvent être intenses d’agissant par exemple des sections de communes.

L’intérêt de la recherche et des politiques pour ce sujet s’est manifesté à la suite des travaux de Elinor Oström sur les communs. En France, les travaux portent notamment sur les enjeux de leur relance dans le cadre des politiques territoriales en tant qu’ils permettent de répondre aux défis territoriaux (alimentaire, économique, environnementaux – biodiversité, énergie, sociaux etc) et dans celui de la politique d’aide au développement. 

A cet égard, l’agence française de développement (AFD) a porté de 2015 à 2020 un programme de recherche ayant pour objectif d’identifier les conditions et les modalités d’une approche par les communs de la terre et des ressources qu’elle porte dans le cadre du comité technique « foncier et développement » (CTFD) de la coopération française. Cette démarche a abouti à la publication d’un ouvrage collectif  « Opportunités et défis d’une approche par les communs de la terre et des ressources qu’elle porte », qui fixe un cadre de référence, et à celle d’un guide opérationnel  « Approche par les communs de la terre et des ressources qu’elle porte », qui propose des outils pour intégrer cette approche dans les projets de développement financés par l’AFD.


Le Common Lands Network,  l’Université de Lausanne – IGD,  l’Université Savoie Mont Blanc – centre de recherche en droit Antoine Favre,  l’Association de défense des membres de sections de communes en France  ont lancé une initiative consistant à accélérer l’identification des biens communs fonciers en France métropolitaine, en utilisant un autre type de communs, les communs numériques, via une  plateforme participative.



Margaux Castel







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